Nunc Stans

29 mai - 6 juillet 2025

Pour Christelle Balbinot, tout commence par les mains. Née dans une famille d’ouvriers et d’entrepreneurs, le travail manuel n’était pas une option mais une façon d’être au monde. Dans cet univers, on avançait avec ce que l’on savait faire, pas avec ce que l’on pensait. Produire, bien faire, faire utile : telle était la boussole familiale.
Très jeune, Christelle intègre cette logique. Mais ce qu’on attend d’elle — précision, rendement, efficacité — ne suffit pas à nourrir une intuition plus intime : celle d’un rapport au monde plus libre, plus sensible, plus inventif. Après une formation technique exigeante dans le domaine du textile, elle commence à rencontrer un autre espace. Un espace où la main ne serait plus seulement au service de la production, mais aussi de l’expression.
Ce basculement ne se fait pas du jour au lendemain. Il faut du temps pour déconstruire des réflexes ancrés, pour s’autoriser à expérimenter, à détourner les savoirs acquis, à abîmer la matière pour lui donner une âme. Peu à peu, le geste devient langage, et la main, outil de pensée.
Aujourd’hui, Christelle Balbinot crée à partir de cette lente reconquête : celle d’un geste libéré, affranchi de la logique du rendement. Une main qui sait, mais surtout une main qui cherche.
NUNC STANS marque un moment de cette recherche permanente. L'exposition est un dispositif vulnérable en cours, un état d'immobilité au-delà du temps. Christelle Balbinot explore ici sa fragilité, ses incertitudes, sa résistance à la logique productive de notre monde surexcité. L'exposition ne présente ni objets finis, ni produits polis, mais plutôt un processus hésitant – une tentative minutieuse de laisser émerger la beauté en lâchant prise. Le matériau qu'elle utilise est éloquent. Le fil métallique industriel, autrefois utilisé pour les machines de découpe, trouve une seconde vie entre ses mains. Ce n'est pas un matériau noble, mais un déchet, une chose inutilisable – un pauvre vestige. L'artiste n'attend pas un monde productif pour créer quelque chose pour elle. Ce matériau, désormais inutile pour elle, révèle quelque chose de fondamental : un dessin dans l'espace, un geste aussi fragile que puissant. Ses installations, créées intuitivement, évoquent un monde connectif au-delà du visible.

Dans cette exposition, elle transforme tous ces fils en lignes, tissages et structures organiques qui semblent vivre juste sous la surface. Balbinot relie ce qui était, ce qui est et ce qui est à venir – tels des fils de mycélium sous la terre, tels des souvenirs de corps et de voix qui continuent de résonner. Son œuvre laisse place au hasard, à la lumière, à l'ombre et au temps. Elle naît en relation avec son environnement, comme un moment d'équilibre entre créateur, matériau et spectateur. Ce NUNC STANS n'est ni un lieu de repos, ni une fin en soi, mais un état temporaire de réceptivité. Dans cet équilibre délicat entre contrôle et abandon, l'artiste révèle que l'art n'est pas seulement quelque chose que l'on crée, mais aussi quelque chose que l'on autorise. Une manière d'être présent. Une façon, l'espace d'un instant, de sortir de la logique de l'utilité et de la production – et, de cette manière précise, de permettre une autre forme de beauté..

Texte de Niko Goffin (Arterie.be)

Extrait de l’interview avec Niko Goffin

“Votre œuvre semble traversée par l’incertitude, le hasard, une tension entre lumière et obscurité — une sorte d’ombre des choses. On y perçoit aussi des signes et des dessins. Est-ce une lecture qui vous paraît juste ?
Oui, ce dessin dans l’espace produit des effets. Ce n’est pas un point de départ, mais un point d’arrivée — et ce point d’arrivée, il est hors de tout contrôle. J’adore cette manière de travailler. Voilà Nunc Stans : un équilibre entre le contrôle et le lâcher-prise.
C’est-à-dire que je prends la matière, et je poursuis une impulsion qui m’échappe. Je ne sais pas du tout comment la lumière et l’espace vont interagir avec ma création. Il y a énormément d’incertitudes.
J'aime être dans une fragilité avec ce fil, j’aime laisser venir la création et voir ce travail dans un contexte particulier. Je ressens qu’à partir d’un lieu la création peut jaillir. C’est un sentiment qui s’inscrit au moment présent, c'est ce qui en fait aussi la force : quelque chose qui se produit et qui interagit avec les éléments, l'environnement, la lumière et les couleurs autour. C'est vraiment une série d’événements qui se cristallisent et qui donnent le jour à une création.”

Arterie.be

 

 

For Christelle Balbinot, everything begins with the hand. Raised in an enterprising, hands-on environment, she learned from an early age that to ‘make something’ was to exist. In that world, what you could do, mattered more than what you felt. Precision, utility, efficiency—these were the self-evident standards. But even then, another thought quietly stirred beneath the surface: a silent, unspoken desire to be creative—to feel, to search, to allow things to emerge.
NUNC STANS marks a moment within that ongoing search. The exhibition is a vulnerable arrangement in progress, a state of stillness beyond clock time. Here, Balbinot explores her fragility, her uncertainties, her resistance to the production-driven logic of our overstimulated world. The exhibition presents no finished objects, no polished products, but rather a tentative process—a careful attempt to let beauty emerge by letting go.
The material she uses speaks volumes. Industrial metal wire, once used for cutting machines, is given a second life in her hands. It is not a noble material, but waste, something unserviceable—a poor remnant. The artist is not waiting for a productive world to create something for her. The now-useless material for the artist reveals

something fundamental: a drawing in space, a gesture as fragile as it is forceful. Her intuitively created installations evoke a connective world beyond the visible.
In this expo, she transforms alle these wires into lines, weavings, and organic structures that seem to live just beneath the surface. Balbinot connects what was, what is, and what is yet to come—like mycelium threads beneath the earth, like memories of bodies and voices that continue to resonate. Her work leaves space for chance, for light, for shadow, and for time. It arises in relation to its surroundings, as a breathing moment of balance between maker, material, and viewer.
This NUNC STANS is not a resting place, not an endpoint, but a temporary state of receptiveness. In the delicate balance between control and surrender, the artist reveals that art is not only something you make, but also something you allow. A way of being present. A way, for a moment, to step outside the logic of utility and production—and in that specific way, to permit another form of beauty.

Text by Niko Goffin (Arterie.be)